Nigéria
Une première enquête nationale mesure la résistance aux antimicrobiens
Le Nigéria a lancé sa première enquête nationale représentative sur la résistance aux antimicrobiens (RAM), une avancée majeure pour la santé publique et la couverture sanitaire universelle. Cette initiative, appuyée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), doit fournir des données fiables pour guider les politiques nationales, améliorer la prise en charge clinique et renforcer la résilience du système de santé.
Le ministère fédéral de la Santé et le Centre nigérian de contrôle et de prévention des maladies ont réuni, avec l’appui technique de l’OMS, les principaux acteurs gouvernementaux, universitaires et internationaux lors d’un atelier de planification de cinq jours. Les travaux ont permis d’arrêter le protocole scientifique et la stratégie opérationnelle de l’enquête.
Troisième pays au monde à mener une enquête de cette ampleur avec l’OMS, le Nigéria a été retenu pour l’actualisation de son Plan d’action national RAM, la priorité accordée à la surveillance et les investissements consacrés aux laboratoires et aux systèmes de données.
Les chiffres disponibles confirment l’urgence : le pays occupe le 20ᵉ rang mondial pour la mortalité standardisée liée à la RAM. En 2019, 263 400 décès étaient attribués à des infections résistantes, dépassant la mortalité cumulée des maladies entériques, de la tuberculose, des infections respiratoires, des pathologies maternelles et néonatales, des maladies tropicales négligées, du paludisme et des maladies cardiovasculaires. Le coût d’un épisode d’infection résistante dans les hôpitaux tertiaires varie entre 2 371 et 29 289 dollars, allonge les hospitalisations d’environ sept jours et augmente le risque de décès de 84 %.
La RAM apparaît quand des agents infectieux développent une résistance aux traitements, ce qui complique la prise en charge. Une surveillance robuste permet de suivre les évolutions, d’identifier les pathogènes prioritaires et d’ajuster les interventions.
L’enquête doit établir une base nationale de référence sur la prévalence de la RAM, analyser sa répartition géographique et son impact sanitaire et économique, et contribuer à l’objectif mondial de réduire de 10 % les décès liés à la RAM d’ici 2030, conformément à la déclaration politique adoptée à la 79ᵉ Assemblée générale des Nations unies. Elle doit aussi améliorer la surveillance de routine, le diagnostic, la gestion des échantillons et les capacités de laboratoire.
Le protocole suivi reprend la méthodologie standardisée de l’OMS. L’étude s’étendra sur 12 à 15 mois dans 40 à 45 établissements de santé sélectionnés aléatoirement. Environ 35 000 patients suspects d’infection sanguine seront inclus, afin d’obtenir près de 800 isolats des principaux pathogènes. Les équipes recueilleront des données cliniques, démographiques, financières et microbiologiques, avec un suivi prolongé jusqu’à trois mois après l’infection.
Pour le NCDC, représenté par le Dr Tochi Okwor, cette démarche constitue un jalon essentiel dans la lutte contre la RAM. L’OMS, à travers le Dr Pavel Ursu et le Dr Laetitia Gahimbare, insiste sur le rôle crucial de ces données pour affiner les politiques de santé, renforcer la surveillance et détecter plus rapidement les menaces émergentes.
Le professeur Babatunde Ogunbosi, spécialiste des maladies infectieuses, souligne que l’initiative renforcera aussi l’expertise nationale en recherche, diagnostic et élaboration de stratégies, consolidant l’usage de la science dans la décision publique.
L’engagement du Nigéria s’inscrit dans la dynamique régionale et internationale de surveillance et répond à l’approche « Une seule santé », intégrant santé humaine, animale et environnementale. Cette démarche favorisera un usage plus responsable des antimicrobiens, limitera les échecs thérapeutiques et renforcera la sécurité sanitaire et la couverture universelle.
Selon le Groupe APO pour l’OMS-Nigeria, la lutte contre la RAM constitue une priorité mondiale. Les efforts conjoints du Nigéria, de l’OMS, du NCDC, de la NACA et du Fonds mondial illustrent une forte appropriation nationale et une coopération multisectorielle fondée sur les données scientifiques.
Mahussé
Commentaires (0)
Soyez le premier à commenter cet article