Modifier l'article

Le président Patrice Talon a promulgué la loi qui redéfinit le rôle, les attributions et le statut juridique de la chefferie traditionnelle. Un texte structurant, mais non sans controverse. Le jeudi 03 avril 2025, un décret présidentiel vient inscrire dans le marbre républicain une institution vieille de plusieurs siècles. En promulguant la loi N°2025-09 du 03 avril 2025, Patrice Talon donne un cadre juridique à la chefferie traditionnelle au Bénin. C’est l’aboutissement d’un long processus de réflexion, amorcé depuis mai 2022 avec l’installation d’une commission dédiée. Et surtout, c’est une réforme qui s’ancre dans le programme du gouvernement visant à moderniser les institutions, sans renier les fondements de la tradition. La loi comprend 47 articles, répartis en six titres. Elle reconnaît 16 royaumes, 80 chefferies supérieures et 10 chefferies coutumières. À travers cette architecture, l’État affirme son intention de valoriser la tradition tout en instaurant des règles apparentes. Les autorités traditionnelles sont reconnues, mais elles ne peuvent être assimilées à des représentants politiques ou administratifs. Chaque type de chefferie est identifié selon un niveau de centralisation du pouvoir. Les royaumes pour les structures fortement hiérarchisées, les chefferies supérieures pour les entités intermédiaires, et les chefferies coutumières pour les sociétés à pouvoir diffus. Ceux qui ne figurent pas dans cette classification sont désignés comme « chefs communautaires », conformément à l’article 8. Le Benin entre dans une nouvelle ère Celle de la reconnaissance encadrée, des responsabilités renforcées. Les chefs traditionnels se voient attribuer plusieurs responsabilités. Ils doivent participer à la diffusion des textes de loi, à la promotion des langues locales et à la consolidation de la cohésion sociale. L’article 33 prévoit la possibilité d’une allocation financière de l’État, mais précise que ces figures traditionnelles ne deviennent pas pour autant des agents publics. Une reconnaissance officielle passe désormais par un arrêté conjoint des ministres de la Culture et de l’Intérieur. Cette formalité administrative vient attester de l’entrée en fonction d’un roi, d’un chef supérieur ou coutumier. Pour accéder à ces rôles, il faut respecter les règles locales de succession, validées par un conseil de désignation. Toutefois, la loi exclut tout citoyen ayant été condamné ou engagé dans la politique active. Trois mois sont accordés aux chefs concernés pour se mettre en conformité. Des débats vifs, des voix qui contestent et justifications Le vote de la loi, intervenu le 13 mars 2025, n’a pas fait l’unanimité. Si le texte a été adopté à la majorité, il a suscité de nombreuses critiques, y compris au sein de la mouvance présidentielle. Le député Bako Arifari évoque une loi « imparfaite » appelée à être révisée. Sur le terrain, plusieurs royaumes ont exprimé leur mécontentement. Le cas du royaume d’Ifangni illustre cette frustration. Sa Majesté Rafiou Adébowalé a personnellement saisi le président de l’Assemblée nationale, réclamant la reconnaissance d’un pouvoir vieux de deux siècles. D’autres localités, comme Houin, Dédomè ou Athiémé et autres se sont également manifestées. Face aux réclamations, la Commission des lois a publié un rapport détaillé. Elle y explique les critères retenus pour établir la liste des entités reconnues. L’espace géographique, le type de pouvoir et l’organisation sociale ont été pris en compte. Pour certains royaumes disparus depuis des siècles, comme Sahé ou Djekin, la non-reconnaissance repose sur l’absence de reconstitution historique ou institutionnelle à la veille de la colonisation. Certaines figures ont été écartées pour leur manque d’ancrage historique ou pour une structuration tardive, souvent sous l’impulsion de leaders locaux ou de décisions coloniales. Une réforme historique aux effets mesurés En promulguant cette loi, le Bénin acte une volonté politique de faire cohabiter République et tradition. L’objectif affiché est d’organiser, de reconnaître, mais aussi de délimiter. Le texte veut préserver les fonctions culturelles de la chefferie sans qu’elle devienne une échelle politique. Mais les tensions locales, les revendications non satisfaites et les voix critiques montrent que la route reste longue. « Cette loi ne met pas tout le monde d’accord, mais elle met fin au flou », résume un membre de la commission. La chefferie traditionnelle entre ainsi dans une nouvelle ère. Une ère où l’autorité ne suffit plus, il faut désormais exister dans les textes.
Séparez les hashtags par des espaces
Image principale
Formats acceptés: MP4, WebM, Ogg (max 20MB par fichier)
Format accepté: PDF uniquement
Annuler