A l’occasion de  la 6e édition des BRVM Awards, des acteurs du marché financier, décideurs publics et experts ont débattu des enjeux actuels de la finance régionale. En marge de cet événement, Dr Kubeterzié Constantin Dabiré, Président Directeur Général de la Société Africaine d’Ingénierie et d’Intermédiation financière (SA2IF), a apporté un éclairage sur la privatisation et la cotation en bourse. Deux mécanismes qui, selon lui, pourraient jouer un rôle décisif dans le financement des économies de l’espace UEMOA.

Dans un entretien au quotidien du service public La Nation, Dr Dabiré, explique que la privatisation dans sa forme classique, désigne le transfert de la propriété et de la gestion d’une entreprise publique vers le secteur privé. Elle ouvre la voie à une gouvernance nouvelle, marquée par des exigences de rentabilité, d’efficacité et de transparence. La cotation en bourse, souvent associée à ce processus, permet  quant à elle aux entreprises de lever des fonds, d’attirer des investisseurs et d’accroître leur visibilité sur le marché. « Les entreprises privatisées qui accèdent à la bourse bénéficient d’une amélioration progressive de leur valeur, de leur rentabilité et de leur gestion. Elles gagnent en crédibilité », affirme l’ancien cadre de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).

Des démarches variables selon les États

Chaque pays de l’UEMOA élabore sa propre politique de privatisation. Généralement, des cellules nationales identifient les entreprises à céder. Une fois validée par le Conseil des ministres, la cession peut se faire par appel d’offres, ou dans certains cas, par gré à gré, lorsque le profil du repreneur est spécifique. Le processus n’est pas uniforme. Parfois, les travailleurs reprennent l’entreprise. D’autres fois, la gestion est confiée temporairement au privé dans le cadre d’une délégation de service public. « Chaque opération a son propre cahier des charges. Il faut tenir compte du contexte, des objectifs et des contraintes », précise le Dr Dabiré.

L’ouverture du capital d’une entreprise publique au secteur privé n’est pas automatiquement une privatisation. Toutefois, dès que la majorité du capital est cédée, ou que la gestion est transférée, on s’en approche. Cette ouverture progressive peut aussi préparer l’entreprise à une future cotation en bourse. Lorsque la cession se fait à travers la bourse, on parle de cotation. L’entreprise est alors introduite sur le marché financier régional. Cette opération permet non seulement à l’État de récupérer des fonds, mais aussi d’élargir l’actionnariat à un plus grand nombre. « C’est ce qu’on appelle l’actionnariat populaire. Cela permet aux citoyens de devenir copropriétaires des entreprises stratégiques », explique-t-il.

A titre d’exemple, la Sonatel, privatisée et cotée au Sénégal depuis 1998, avec les retombées positives du mécanisme. Son chiffre d’affaires a été multiplié par vingt. Son cours boursier a progressé de plus de 40 %. Orange Côte d’Ivoire, cotée plus récemment, a vu son cours doubler depuis son entrée sur le marché. « Ces performances montrent que le passage à la bourse favorise l’investissement, stimule la compétitivité et améliore la gouvernance », fait observer Dr Kubeterzié Constantin Dabiré.

Des défis encore présents

Le processus n’est pas sans obstacles. Certains secteurs comme l’eau, l’assainissement ou la santé, peu rentables ou sensibles, ont connu des échecs en matière de privatisation. Dr Kubeterzié Constantin Dabiré insiste sur la nécessité d’une démarche prudente. Il faut tirer les leçons du passé, adapter les politiques, et surtout, trouver un équilibre entre les objectifs économiques et les impératifs sociaux. Il déclare que « la privatisation ne doit pas être une fin en soi. C’est un moyen. Si elle est bien encadrée, elle permet à l’État de renforcer ses recettes et à l’entreprise de mieux fonctionner ». Pour aller plus loin, il invite à élargir les outils disponibles sur les marchés financiers.

Selon lui, la création de produits dérivés ou d’un marché des matières premières permettrait de renforcer les sources de financement, au-delà du circuit bancaire classique. « Les banques ne suffisent plus à couvrir tous les besoins. Le marché financier doit devenir un complément solide », conclut-il.