Le Bénin est en deuil. Ce jeudi 8 mai 2025, Amos Elègbè, ancien ministre et conseiller politique influent, s’est éteint à l’âge de 78 ans à son domicile d’Akpakpa, à Cotonou. Celui que certains surnommaient « l’homme de tous les régimes » a perdu son long combat contre la maladie, un an après en avoir été frappé.

Né le 4 avril 1947 à Savè, dans le département des Collines, Amos Elègbè fut bien plus qu’un simple acteur politique. Universitaire chevronné, technocrate de formation, ministre à plusieurs reprises sous les présidences de Mathieu Kérékou et Boni Yayi, son parcours retrace un demi-siècle de l’histoire politique béninoise, entre transitions démocratiques, recompositions gouvernementales et renversements d’alliances.

Docteur en études urbaines (Université Toulouse-Jean-Jaurès, 1975), Amos Elègbè cumulait les diplômes prestigieux : spécialité en aménagement urbain, certificat d’économie rurale, certificat d’aménagement de l’espace rural... Mais c’est surtout dans les amphithéâtres de l’ex-Université nationale du Bénin, devenue l’Université d’Abomey-Calavi, qu’il a marqué plusieurs générations. Pendant plus de trente-cinq ans, il y a enseigné l’urbanisme, les politiques publiques, la gestion des territoires et l’économie sociale.

Son engagement intellectuel fut prolongé par une carrière politique intense. Ministre du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme dès 1989 sous Kérékou, puis ministre de la Culture au début des années 2000, il assura même l’intérim au ministère des Mines et de l’Énergie en 2001. Son rôle le plus perceptible reste sans doute celui qu’il joua à l’orée du renouveau démocratique. En 1990, il fut nommé rapporteur général du Comité préparatoire de la Conférence nationale des forces vives. Cette même conférence qui allait consacrer l’instauration du multipartisme et d’un État de droit au Bénin. Élu député en 1991, il y présida le groupe parlementaire « Démocratie et Solidarité », regroupant des membres influents du PRD et du PSD.

Un homme de conviction, souvent controversé

Amos Elègbè n’était pas un homme de demi-mesure. Proche de Boni Yayi, dont il fut le conseiller spécial aux Affaires politiques, il accompagna activement les débuts du régime dit du « Changement ». Dès 2016, il s’éloigna progressivement de la scène politique, après l’accession de Patrice Talon au pouvoir. Dans la discrétion, il s’était déjà retiré de l’université depuis 2011, après avoir été déclaré éligible au CAMES en 2008.

Figure respectée mais aussi controversée, il ne laissait personne indifférent. En témoigne l’hommage nuancé, presque cinglant, de Claudine Afiavi Prudencio, actuelle ministre-conseillère à la Santé et présidente du parti Renaissance Nationale : « Je ne m’inscris pas dans le chœur facile des éloges factices, car l’homme a laissé derrière lui des blessures que le temps n’a pas su refermer. (...) Mais l’heure est à la vérité. Celle, nue et incontournable, de la mort qui égalise les destins. »

Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook à l’occasion de la fête de Pâques, en avril 2023, l’ancien président Boni Yayi rendait un hommage musical à Amos Elègbè, alors gravement malade. Guitare à la main, l’ex-chef de l’État interprétait un chant biblique qu’ils avaient souvent partagé lors de leurs réunions de groupe d’étude spirituelle. Tournée à son domicile de Cadjèhoun sur plusieurs jours, la vidéo de plus de sept minutes le montre entouré de deux musiciens. Rodrigue, batteur dans une chorale d’église à Cotonou, et Ornel, professeur de musique, également à la guitare. Dans une confidence accordée à Bip Radio, Boni Yayi confiait que cette chanson était une dédicace spéciale à son ancien conseiller aux affaires politiques. « C’est un son qu’il aime et qu’il chante tout le temps quand notre groupe biblique se réunissait », expliquait-il. « Je l’ai chantée pour le soutenir et lui donner du courage. » a-t-il